Pour quiconque admire le paysage économique et social, en ce
début d'année, le panorama dépasse les meilleures anticipations. Orwell et
Huxley avec un zest d'anarchie et quelques pointes de sauvagerie, un cocktail
détonant. On pourra bientôt compter par satellite les personnes qui meurent et
naissent dans les rues.
Incroyable!
Quelle vision fantastique, l'Art Dada de nos déchets, le
cubisme de nos villes, l'impression de nos campagnes. Plus loin les pays, les
contrées, paraissent tourmentées, nimbés de brumes. Et, cet horizon qui reste
invisible.
Quelle curieuse sensation procure le gigantesque jeu de
rôles que nous joue la grande comédie de la vie, où chaque acteur improvise.
Dans la sueur, les larmes des pleurs se mêlent à celles des rires et forment le
sel de la terre.
Quelle affaire! Pardon quelles affaires, il sera bientôt
plus court d'énumérer les célébrités d'un jour non mises en examen. Entre
corruption passive et active quelle carrière vais-je choisir s'interroge telle
élite. De toute façon les mœurs se délitent, alors autant en profiter.
Valeur se confond avec prix. Principe est question de
circonstance. Dans un monde de voleurs, à défaut de Roi soyons Prince.
Et dame Justice qui, devant l'ampleur de la gangrène qui
gagne, sort de sa léthargie, et envoie ses plus preux chevaliers. Ils
pourfendent, estoquent, l'ennemi recule, d'illustres captifs égayent les
batailles. Plus le déchu est puissant, plus la gloire rejaillit sur l'avide qui
le terrasse. La société commence à faire les comptes.
Il faut dire que l'argent est rare. La bouillie TVACSGRDS,
grèves, lassitudes, reste sur l'estomac. A tel point que la croissance
hoquette. Inutile de dire que cela compromet la convergence vers les critères
de Maastricht, dont tout le monde se moque. Enfin, ce n'est pas très grave
puisque même les allemands, les premiers de la classe, semblent aussi sécher
sur les subtiles équations qui permettraient d'atteindre le nirvana européen.
Cette belle Europe, princesse des autres âges, toujours
capricieuse, la tête dans les étoiles, les pieds dans la misère, quel est son
chant ? Fraternité, Caïn et Abel, dans la même tombe enfin réconciliés, est-ce
possible?
Ce que nous sommes parfois incapables de vivre entre
voisins, ce respect de chacun, si difficile à créer, dont la flamme sans cesse
vacille, comment l'établir à l'échelle européenne? Pouvons-nous être des
nations unies?
La volonté politique suppléera au manque d'enthousiasme, la
construction européenne est affaire de volonté, nous devrons, ensemble déplacer
les montagnes, clame tel leader devant sa foule de militants débordants
d'espoirs. Nous le pouvons car nous sommes unis par ce même idéal, héritage de
nos héros, que nous transmettrons à nos enfants.
Tel autre, avec la même fougue, nous mettra en garde, contre
ces féroces soldats qui viendront ivres de cruauté, égorger nos femmes et nos enfants.
Méfions-nous aussi de ces sarrasins, venus du sauvage continent africain. Ces
fous d'un Dieu servi par une terrible doctrine qui prône la sanctification par
le carnage, sont une menace. « Aux armes citoyens ! La Patrie est en
danger! » La Chine s'éveille! Périls multicolores ou hallucinations ? Va
savoir.
Que la Vérité est difficile à cerner pour nous les humbles.
Qui croire et que croire? Certes nos grands-parents ont souffert des hordes
teutonnes. Mais, nos parents n'ont-ils pas aussi, croisés des temps modernes,
été déferler, au nom de l'ordre républicain, sur une France, loin au sud, au-delà
de la Grande bleue. Cette France ensoleillée, ils l'ont perdue. Ici, en tout
cas, nous sommes chez nous, et nul verset qu'il soit européen ou coranique ne
nous empêchera, de savourer une rondelle de saucisson pur porc suivi d'un bon
fromage non pasteurisé, le tout accompagné d'un nectar pur fruit pressé d'une
vieille vigne tortueuse accrochée à un terroir unique.
Ces hommes qui nous expliquent l'avenir, sont-ils dignes de
confiance? L'ENA est-elle un label de qualité?
Serviteurs de la Nation, ils se comportent en Princes et
pillent le trésor. Criblés de dettes, ils hypothèquent l'avenir. La raison
d'Etat justifie les mensonges, l'amnistie absout toutes les fautes, on
dissimule des faux en écriture et usage de faux documents administratifs sous «
le Secret-défense ». Les instruments de l'Etat sont souvent utilisés
pour assouvir les ambitions personnelles. Est-ce à cette image que l'on veut
créer l'Europe?
L'Europe, riche de ses pauvres, ressemble à une île perdue
au milieu d'un océan de continents de misères riche de ses rêves. Objet de
toutes les convoitises, elle vacille. Laboratoire social du monde elle a tout
tenté: royauté, révolution bourgeoise, empires, révolution industrielle,
révolution populaire, capitalisme et marxisme, social-démocratie et démocratie
sociale... Et il lui faut à nouveau, semble-t-il, inventer un système, apte à
résoudre la complexité de notre monde contemporain. De plus, elle vieillit la
belle Europe, avec moins de 2,1 enfants par femme sa population ne peut, à
terme, que décroître.
Nos retraités sont les plus jeunes du monde, nos enfants
sont les plus instruits du monde, nos malades sont les patients les mieux
soignés au monde, nous fumons moins, nous buvons moins, nous roulons
prudemment, bref c'est le meilleur des mondes. Et pourtant tout semble si
fragile, lorsque, sortant le matin, nous rencontrons, recroquevillé de froid et
abruti d'alcool, un homme carton, qui hier nous ressemblait tellement.
Ce panorama contrasté où le meilleur est la perspective du
pire, reflète une époque exceptionnelle, de celle que l'humanité n'oublie pas.
L'aventure ne fait que commencer, la grande conquête commence
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